Savoir en réseau. Introduction de ressources numériques et interactives. Des usages imaginés aux usages observés dans les classes. Quelle transformation des métiers d’enseignants et d’élèves ?

Savoir en réseau. Introduction de ressources numériques et interactives. Des usages imaginés aux usages observés dans les classes. Quelle transformation des métiers d’enseignants et d’élèves ?

Auteur(s) :  JAUFFRED-GOISLARD DE MONSABERT Sadrine

Date de soutenance :  2015

Thèse délivrée par :  Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne

Section(s) CNU :  section 70 : Sciences de l’éducation

Sous la direction de :  Cédric FRÉTIGNÉ

Jury de thèse :  Frétigné, Cédric ; Vieille-Grosjean, Henri ; Hedjerassi, Nassira ; Grugeon-Allys, Brigitte

« Notre recherche interroge les éventuelles transformations qui modifient la relation pédagogique lorsque des enseignants introduisent dans leur pratique des ressources numériques et interactives. Nous visons à observer les usages réels, plutôt que les usages attendus par les acteurs, qui se développent à la faveur de cette nouvelle instrumentation des pratiques pédagogiques.

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Jules Ferry 3.0, Concertation sur l’éducation et le numérique

Le 3 octobre 2014, le Conseil national du numérique (CNNum) a publié son rapport intitulé : »Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique ».

Ce rapport s’inscrit dans la continuité des analyses de “Citoyens d’une société numérique” de novembre 2013, sur le numérique comme un  » levier de l’inclusion sociale et du pouvoir d’agir », composé de Sophie Pène, membre pilote, Serge Abiteboul, Christine Balagué, Ludovic Blécher, Michel Briand, Cyril Garcia, Francis Jutand, Daniel Kaplan, Pascale Luciani-Boyer, Valérie Peugeot, Nathalie Pujo, Bernard Stiegler, Brigitte Vallée, membres du Conseil.

Il est constitué de huit axes développant 40 recommandations :

  1. Enseigner l’informatique : une exigence,
  2. Installer à l’école la littératie de l’âge numérique,
  3. Oser le bac HN Humanités numériques,
  4. Concevoir l’école en réseau dans son territoire,
  5. Lancer un vaste plan de recherche pour comprendre les mutations du savoir et éclairer les politiques publiques,
  6. Mettre en place un cadre de confiance pour l’innovation,
  7. Profiter du dynamisme des startups françaises pour relancer notre soft power,
  8. Ecouter les professeurs pour construire ensemble l’école de la société numérique
Groupe de travail Education et Numérique du CNN
Groupe de travail Education et Numérique du CNN

 

 

 

 

 

 

 

Le rapport propose deux angles de lectures sur les thèmes de l’école et du numérique, l’angle des disciplines, des contenus et des méthodes d’une part, de l ‘autre, et c’est son intérêt principal, comment penser « l’éco-système » économique, institutionnel et éducatif qui va rendre  possible cela : école en réseau, nouvelles industries de la formation, recherche, startups, etc.

Il affirme deux convictions : l’école change, est depuis longtemps un lieu d’expérimentation et d’innovation sociale et pédagogique, les enseignants sont les moteurs de cela et il est faux de considérer l’école comme un bloc monolithique ; la deuxième affirmation est que le système scolaire ne va pas bien, rappelant les résultats de l’enquête PISA, il ne prend pas suffisamment en compte ses mauvais résultats en matière d’inégalité scolaire et d’inefficacité pour rendre « l’école désirable » , lutter contre la démotivation scolaire pour l’ensemble des élèves du primaire et du secondaire.

Dans ce billet je voudrais évoquer deux idées qui me semblent particulièrement intéressante dans la production de ce groupe de travail. Celle des modalités de coopération et de collaboration qui sont rendus possible au sein des pratiques d’apprentissage, de formation, d’enseignement dans les environnements numériques, bien au delà des questions d’équipement des établissements en ordinateurs. « Il faut aussi y voir un changement dans les savoirs, l’avènement d’une société de la question plutôt que de la réponse. Avec une école qui propose une organisation plus horizontale, plus coopérative, plus solidaire, plus créative. » La problématique de la théorie connectiviste de l’apprentissage mériterait d’être mentionnée bien au delà des MOOC dans le document.

Le principe de « co-design » constitutif des compétences collaboratives du futur métier de professeur, Les ateliers Canopé (nouvelle appellation des CRDP et CNDP) pourraient en devenir le prototype : événements pédagogiques hors des établissements, scénarisation collective de cours, développement de « micro-édition de proximité », c’est-à-dire des cours numériques coproduits localement par des équipes de professeurs transversales aux établissements.

Ces réseaux inter-établissements ne sont pas des lieux de formation, mais des lieux où les professeurs dessinent eux-mêmes leur activité, en réseau. La place des directeurs d’école et des chefs d’établissement est essentielle. Mais la conduite du changement demande un management non hiérarchique des projets et des initiatives. Les réseaux professionnels d’enseignants peuvent avoir un rôle majeur pour faire passer dans les établissements le sens de la révolution numérique : un travail en réseau autour de l’activité d’apprentissage avec une attention accrue aux choix et à l’autonomie des élèves.

Enfin il est remarquable que l’équipe animée par Sophie Pene semble témoignée d’une conviction réjouissante dans l’expérience de l’engagement dans la démarche de collaboration et de co-design des projets de ressources didactiques et d’enseignement , elle nomme cela engagement, pouvoir d’agir ou encore « Empowerment » des acteurs, le travail en communauté d’acteurs serait-il une des clef du changement ?

http://www.cnnumerique.fr/education/Philippe Inowlocki, psychologue social

E-learning : libertés de concevoir et d’apprendre.

La formation ouverte et à distance FOAD énonce la promesse de former le plus grand nombre par des moyens technologiques fondés sur des principes didactiques rationnels à moindre coût. Certains y voient le risque d’une formation sans présence humaine, confortant un monde scandé par des technologies dont les logiques répondraient à un moteur exclusivement déductif au dépend de tout autre type d’interactions avec le réel.

C’est assurément une question de société, mais posons nous la question : « A un moteur technologique déductif correspond-il nécessairement un apprenant qui n’apprend qu’exclusivement de manière déductive ? « 

Ma première réaction est de vouloir séparer la question de la marchandisation de la connaissance et la soumission des systèmes éducatifs à cet impératif, question politique, de la question de la mise en œuvre de logiciels, plateformes, simulations fondés sur des « moteurs exclusivement déductifs », question didactique.

Aussi, la discussion voudrait que soient associés systématiquement e-learning et raisonnement déductif car (ou parce que) soutenu par une infrastructure numérique. Le mode de raisonnement déductif se définissant donc en opposition au mode de raisonnement inductif ou d’autres opérations cognitives telles l’invention, la création ou l’intuition, l’imagination, etc…

A notre avis, ce point de vu ne me semble pas pouvoir être établi comme une règle définissant des propriétés génériques de la FOAD (formation ouverte et à distance).

Seul le cas de l’EAO (enseignement assisté par ordinateur) datant des années 70 et de ses avatars contemporains peut s’approcher d’une telle définition. L’entrainement à la maitrise de procédures, fondé sur la mémorisation et l’assimilation de savoirs. Ces méthodes sont employées pour présenter de l’information très structurée et hiérarchisée. Savoirs, dont il est assez aisé de vérifier par des tests la capacité du « sujet » à retenir les définitions, l’organisation de procédures et des arbres de concepts.

Des environnements socio-culturelssimulation économique : l'inflation
L’existence de dispositifs de FOAD aussi normalisés soient-ils, fonctionnant avec des plateformes logicielles, bien qu’ils possèdent une ergonomie d’interaction homme-machine et soient structurés par des logiques de documentation technique, n‘ont pas pour simples fonctions de mettre en oeuvre des moteurs déductifs. En effet, la plupart de ces plateformes (learning Management system) sont architecturées pour exprimer des métaphores, en lien avec les repères socioculturels des apprenants. Il va s’agir de proposer des « campus », des « universités virtuelles », des « classes virtuelles », des « webinars » (web+séminars), des « bibliothèques numériques », etc..En entreprise chaque métier apportera son lot de repères socio-culturels.

Nous sommes bien là dans des logiques de sémantique et de communication didactique.

Scénariser les parcours

Parler de l’environnement de formation ne dit encore rien de la conception didactique des cours et des ressources. D’autres logiques là s’expriment encore, le didacticien, va souvent mettre en scène, « scénariser », mettre en récit, les savoirs.  C’est la dimension la plus connue du e-learning. Là, un grand nombre de stratégies pédagogiques peuvent être utilisées pour développer les connaissances, en particulier la présence ou l’absence de différents acteurs : enseignants, tuteurs, collègues, groupes, binômes et les modalités relatives aux temps d’apprentissage.

Les dispositifs de formation eux-mêmes sont l’objet de scénarisation, quant à savoir quels acteurs (apprenants, tuteurs, groupes) vont interagir avec quelles ressources (cours, exercices, activités support à l’apprentissage), à quel moment (activités synchrones, asynchrones) et de quelle manière (en amphi, en groupe, en binôme, seul, en salle, à distance…). Ces scenarii de cours et de dispositifs sont décrits par des langages normalisés  comme le langage IMS-Learning Design dont l’objectif est de permettre à des enseignants-concepteurs de cours d’échanger des ressources accompagnées de leurs données descriptives.

Là encore, les partis-pris pédagogiques et didactiques les plus divers peuvent y trouver leur expression sans craindre la frustration du langage binaire.

Didactiser avec les typologies d’objectifs d’apprentissage

Mais didactiser pour la FOAD est un travail d’ingénierie des connaissances fin qui consiste à concevoir des tâches, des exercices, des simulations de processus qui placent l’apprenant en position de produire mais surtout de mettre en œuvre une activité de construction de ses connaissances. Ces exercices seront retenus pour leurs propriétés à mobiliser des situations mais également des processus cognitifs spécifiques identifiés : des habiletés (analyser, réparer, synthétiser..).

Le spécialiste Gilbert Paquette de l’ingénierie des connaissances a décrit des répertoires d’habilités identifiées (capacités) pour développer des compétences dans un environnement conceptuel donné (discipline scientifique, technologies, culture métier, etc..). Il redéfinit les fonctions des typologies d’objectifs d’apprentissage de Benjamin Bloom et de ses successeurs.


(cliquer pour agrandir l’image)Graphe Misa
La typologie des habiletés selon Paquette (2002)

Les habiletés regroupées en grandes catégories génériques, permettent de décrire des activités professionnelles ou cognitives complexes (par exemple : créer une charte graphique, gérer un projet de site web, rédiger un thésaurus documentaire, etc..), présentées sous formes de cartes qui vont servir de cadre conceptuel pour concevoir des activités d’apprentissage reproduisant ces processus. Ces exercices demandent pour être réalisés par des apprenants, de mobiliser des habiletés et des connaissances.

« Une compétence est un énoncé de principe qui détermine une relation entre un public-cible, une habileté et une connaissance. » in Paquette Gilbert 2002, Modélisation des connaissances et des compétences. Un langage graphique pour concevoir et apprendre, presse de l’université du Québec.

Place à  l’imagination didactique» !

Ce long développement est là pour démontrer que « l’imagination didactique » prend alors toute sa place  ; l’environnement numérique loin de constituer un langage binaire, va étayer l’ensemble des processus de conception, de développement et de mise en œuvre de la formation. Nous sommes témoins que le numérique permet de connecter les ressources et les personnes, de manière à générer de nouvelles représentations mentales chez les apprenants, il facilite la créativité et l’imagination de solutions à des problèmes peu ou pas structurés, en particulier, par le schéma, l’image et les propriétés du langage humain.

Dispositifs au rabais ?

Reste la question de l’industrialisation de l’ingénierie de formation, qui est celle de savoir si parmi l’ensemble des possibilités technologiques et instructionnelles, seul un très petit nombre d’entre elles risque d’être retenues et reproduites de manière standardisée pour en faire baisser les coûts. Dispositifs pauvres répondant aux besoins de masse.

Il a souvent été observé que les acteurs économiques, les commanditaires de dispositifs prennent des décisions basées sur les coûts et la rentabilité avant d’y intégrer des aspects immatériels et difficilement quantifiables comme la compétence. Et ce, qu’il s’agisse des environnements numériques ou pas !

Il apparait donc qu’il s’agit de questions économiques, managériales et donc de choix et d’usages des instruments didactiques à la disposition des concepteurs.Philippe Inowlocki, psychologue social

Les 100 meilleurs outils pour apprendre en ligne en 2011

La consultante anglaise Jane Hart fondatrice du Centre for Learning & Performance Technologies a interrogé 545 professionnels de la formation dans le monde entier par questionnaire, nous dit-elle, à propos des outils qu’ils recommandent pour apprendre en ligne, dans sa définition, ces services vont du raccourcisseur d’URL à la plate-forme de télé-formation.
Voici les résultats :

 

Les outils sont comparés depuis les années 2009, 2008, 2007 et classés en F = gratuit, C= Commercial, D=logiciel de bureau, S=Serveur, O=Online M=mobile

Parmi le top 10, on remarquera que la plateforme Moodle dont la fonction est plutôt orientée vers des dispositifs d’apprentissage en ligne formels, n’arrive qu’en neuvième position :
1. Twitter – service de micro-blog
2. YouTube – service d’hébergement et dee partage de vidéos
3. GoogleDocs – service de collaboration en ligne
4. Delicious – service de marque-pages social
5. Slideshare – service d’hébergement et de partage de supports de présentation
6. Google Reader – lecteur de flux RSS
7. WordPress – service et logiciel de blogs
8. Skype – service de voix sur IP et de chat
9. Moodle – course management system
10. Facebook – site de réseau social

Jane Hart décrit quatre tendances fortes qui marquent la période 2010 -2011 :

1. L’accroissement des usages des technologies Internet sous forme de services en ligne ( de l’Iphone à Facebook), la phase expérimentale des innovateurs est achevée pour laisser place à une phase d’usages en masse, en particulier de services choisis et pilotés par les personnes au détriment des services mis en œuvre par les organisations auxquelles elles appartiennent ( entreprises, organismes de formation, etc..).

2. Les services et outils pour le travail et la vie privée fusionnent.

Les nouveaux outils qui apparaissent dans la liste ne sont pas des services pour apprendre qui sont dédiés à cette fonction. Cette tendace s’explique par l’attitude des responsable de l’ingénierie de formation qui préfèrent utiliser dans leurs dispositifs les outils que les personnes emploient quotidiennement comme twitter et facebook,plutôt que faire venir les apprenants vers des systèmes de formation propriétaires souvent inadaptés aux besoins des apprenants.

3. Les services sociaux sont prédominants.

La majorité des outils qui ont été plébiscités par le « top 100 » sont des outils à l’orientation très sociale, ce sont des outils qui permettent la co-création de contenus, la prise de contact, la communication et la collaboration entre les personnes, aussi bien que le partage de ressources, d’idées et d’expériences.

4. L’auto-apprentissage de nature informelle est géré par les personnes.

Les solutions d’apprentissage « faite à la main » avec les nouveaux outils sont le fait non seulement des concepteurs de dispositifs pour l’éducation ou la formation mais aussi le fait des apprenants eux-mêmes. Plutôt que chercher des réponses à des questions en se connectant au LMS (Learning Management Système) de l’entreprise, de nombreuses personnes des équipes de travail préfèrent utiliser Google, Wikipedia ou Youtube ; ou encore simplement poser une question sur leurs réseaux, tels Twitter ou Facebook, dans l’objectif d’obtenir une réponse immédiate, pertinente et à priori mise à jour récemment.

De cet état des lieux Jane Hart tire un cinq recommandations pour les organisations et les entreprises :

1. Encourager et soutenir les compétences d’auto-gestion des personnes et des équipes à prendre en charge l’amélioration des résultats du travail en lien avec la formation professionnelle,

According to a cluster of recent behavioural studies, autonomous motivation promotes greater conceptual understand, better grades, enhanced persistence at school and in sporting activities, higher productivity, less burnout and greater levels of psychological well-being. »

2. Aider à développer l’autonomie des salariés sur les questions des services internet qui facilitent la gestion de l’information en réseau (new social tools literacies),

3. Mettre en place du conseil en organisation lorsque les équipes et les personnes ont besoin d’être accompagnées pour identifier les problèmes de performances au travail.

Only when there is a genuine lack of skills and knowledge, is training required [repeat as necessary]. Training should only be done in cases where the other barriers to performance have been addressed. A trained worker, without the right resources and with unclear expectations, will still not perform up to the desired standard. »

4. Repenser les usages des outils et des systèmes de formation dédiés,

Businesses cannot ignore the benefits such tools undoubtedly bring to the workplace, and trying to block their use will likely be a futile exercise that will only lead to disgruntled employees »

5. Aider à développer une culture « d’ouverture » du travail et de l’apprentissage.

Old approaches to managing employees, with their roots in the industrial society are not adequate for hyper-connected, socially aware employees. We need a new paradigm for getting things done and for empowering a new breed of employee that does not function well in a hierarchal, top down, highly controlled environment. »

N’y aurait-il pas ici des signes forts observables de l’émergence dans nos sociétés de l’information d’une culture de l’apprenance dans les organisations ; concept et pratiques d’apprenance que souhaitent diffuser Philippe Carré, Bernard Blandin et d’autres militants de l’autoformation de longues dates..?Philippe Inowlocki, psychologue social