Dans un article de septembre 2011 , le blog du Monde Internet Actu rend compte de la conférence TED 2011 et de l’approche proposée par Salman Kan, venu présenter la Khan Academy, un dispositif rationnellement structuré de plus de 2000 vidéos éducatives (voir la présentation vidéo avec sous-titres en français). La Khan Academy présente tous les signes du succès avec 1 millions de visiteurs par mois regardant entre 100 et 200 000 vidéos par jour.
L’approche pédagogique proposée a été nommée et retenue comme l’apprentissage inversée « Flipped Learning ». Depuis les projets se revendiquant de cette démarche ne cessent de se multiplier, avec en parallèle, des travaux d’évaluation qui viennent alimenter la controverse sur l’impact sur les apprentissages de la méthode.
Le site Thot Cursus sous la plume de Alexandre Roberge en propose une définition :
L’expression « flipped learning » est due à deux professeurs de sciences, Jonathan Bergmann et Aaron Sams, qui ont utilisé cette méthode d’enseignement dès 2006. En fait, pour eux, l’apprentissage inversé tient plus du principe[…] comme ils le disent dans un récent article, que d’une méthode à appliquer mécaniquement.
Rappelons les grandes lignes de ce principe d’apprentissage :
L’enseignant enregistre des capsules vidéos de cours magistraux, ou fait appel à des capsules existantes;
Les élèves les regardent à la maison sur Internet, sur leur ordinateur ou dans leur lecteur DVD selon les technologies qu’ils ont chez eux;
De retour en classe, les élèves mettent en pratique les notions des capsules visionnées par des tests, des projets, des travaux, etc. et demandent des précisions à leur enseignant s’ils n’ont pas tout compris.
Cette méthode qui prétend lutter contre le cours magistral propose donc de déplacer le cours magistral en dehors de la classe, en le mettant en scène dans des séquences vidéos, utilisant les codes de communication des jeux, en offrant par exemple des badges, des médailles donc, aux élèves qui auraient suivis le programme de formation dans l’ordre et plus vite que les autres.
L’innovation se trouve probablement, selon nous, dans l’application de l’univers langagier et graphique des médias ou des jeux grands publics ( musique, habillage vidéo, effets télévisuels). Ainsi que dans le talent de l’animateur-enseignant à mettre en exergue à l’écran les idées-fortes et les concepts-clef.
Salman Khan : Utilisons les vidéos pour réinventer l’éducation | Video on TED.comTED Talks Salman Khan parle du pourquoi et du comment de la création de la remarquable Khan Academy, une collection soigneusement structurée de vidéos éducatives qui offrent un programme complet en mathématiques, et, maintenant, dans d’autres domaines.
La formation ouverte et à distance FOAD énonce la promesse de former le plus grand nombre par des moyens technologiques fondés sur des principes didactiques rationnels à moindre coût. Certains y voient le risque d’une formation sans présence humaine, confortant un monde scandé par des technologies dont les logiques répondraient à un moteur exclusivement déductif au dépend de tout autre type d’interactions avec le réel.
C’est assurément une question de société, mais posons nous la question : « A un moteur technologique déductif correspond-il nécessairement un apprenant qui n’apprend qu’exclusivement de manière déductive ? «
Ma première réaction est de vouloir séparer la question de la marchandisation de la connaissance et la soumission des systèmes éducatifs à cet impératif, question politique, de la question de la mise en œuvre de logiciels, plateformes, simulations fondés sur des « moteurs exclusivement déductifs », question didactique.
Aussi, la discussion voudrait que soient associés systématiquement e-learning et raisonnement déductif car (ou parce que) soutenu par une infrastructure numérique. Le mode de raisonnement déductif se définissant donc en opposition au mode de raisonnement inductif ou d’autres opérations cognitives telles l’invention, la création ou l’intuition, l’imagination, etc…
A notre avis, ce point de vu ne me semble pas pouvoir être établi comme une règle définissant des propriétés génériques de la FOAD (formation ouverte et à distance).
Seul le cas de l’EAO (enseignement assisté par ordinateur) datant des années 70 et de ses avatars contemporains peut s’approcher d’une telle définition. L’entrainement à la maitrise de procédures, fondé sur la mémorisation et l’assimilation de savoirs. Ces méthodes sont employées pour présenter de l’information très structurée et hiérarchisée. Savoirs, dont il est assez aisé de vérifier par des tests la capacité du « sujet » à retenir les définitions, l’organisation de procédures et des arbres de concepts.
Des environnements socio-culturels
L’existence de dispositifs de FOAD aussi normalisés soient-ils, fonctionnant avec des plateformes logicielles, bien qu’ils possèdent une ergonomie d’interaction homme-machine et soient structurés par des logiques de documentation technique, n‘ont pas pour simples fonctions de mettre en oeuvre des moteurs déductifs. En effet, la plupart de ces plateformes (learning Management system) sont architecturées pour exprimer des métaphores, en lien avec les repères socioculturels des apprenants. Il va s’agir de proposer des « campus », des « universités virtuelles », des « classes virtuelles », des « webinars » (web+séminars), des « bibliothèques numériques », etc..En entreprise chaque métier apportera son lot de repères socio-culturels.
Nous sommes bien là dans des logiques de sémantique et de communication didactique.
Scénariser les parcours
Parler de l’environnement de formation ne dit encore rien de la conception didactique des cours et des ressources. D’autres logiques là s’expriment encore, le didacticien, va souvent mettre en scène, « scénariser », mettre en récit, les savoirs. C’est la dimension la plus connue du e-learning. Là, un grand nombre de stratégies pédagogiques peuvent être utilisées pour développer les connaissances, en particulier la présence ou l’absence de différents acteurs : enseignants, tuteurs, collègues, groupes, binômes et les modalités relatives aux temps d’apprentissage.
Les dispositifs de formation eux-mêmes sont l’objet de scénarisation, quant à savoir quels acteurs (apprenants, tuteurs, groupes) vont interagir avec quelles ressources (cours, exercices, activités support à l’apprentissage), à quel moment (activités synchrones, asynchrones) et de quelle manière (en amphi, en groupe, en binôme, seul, en salle, à distance…). Ces scenarii de cours et de dispositifs sont décrits par des langages normalisés comme le langage IMS-Learning Design dont l’objectif est de permettre à des enseignants-concepteurs de cours d’échanger des ressources accompagnées de leurs données descriptives.
Là encore, les partis-pris pédagogiques et didactiques les plus divers peuvent y trouver leur expression sans craindre la frustration du langage binaire.
Didactiser avec les typologies d’objectifs d’apprentissage
Mais didactiser pour la FOAD est un travail d’ingénierie des connaissances fin qui consiste à concevoir des tâches, des exercices, des simulations de processus qui placent l’apprenant en position de produire mais surtout de mettre en œuvre une activité de construction de ses connaissances. Ces exercices seront retenus pour leurs propriétés à mobiliser des situations mais également des processus cognitifs spécifiques identifiés : des habiletés (analyser, réparer, synthétiser..).
Le spécialiste Gilbert Paquette de l’ingénierie des connaissances a décrit des répertoires d’habilités identifiées (capacités) pour développer des compétences dans un environnement conceptuel donné (discipline scientifique, technologies, culture métier, etc..). Il redéfinit les fonctions des typologies d’objectifs d’apprentissage de Benjamin Bloom et de ses successeurs.
(cliquer pour agrandir l’image)La typologie des habiletés selon Paquette (2002)
Les habiletés regroupées en grandes catégories génériques, permettent de décrire des activités professionnelles ou cognitives complexes (par exemple : créer une charte graphique, gérer un projet de site web, rédiger un thésaurus documentaire, etc..), présentées sous formes de cartes qui vont servir de cadre conceptuel pour concevoir des activités d’apprentissage reproduisant ces processus. Ces exercices demandent pour être réalisés par des apprenants, de mobiliser des habiletés et des connaissances.
« Une compétence est un énoncé de principe qui détermine une relation entre un public-cible, une habileté et une connaissance. » in Paquette Gilbert 2002, Modélisation des connaissances et des compétences. Un langage graphique pour concevoir et apprendre, presse de l’université du Québec.
Place à l’imagination didactique» !
Ce long développement est là pour démontrer que « l’imagination didactique » prend alors toute sa place ; l’environnement numérique loin de constituer un langage binaire, va étayer l’ensemble des processus de conception, de développement et de mise en œuvre de la formation. Nous sommes témoins que le numérique permet de connecter les ressources et les personnes, de manière à générer de nouvelles représentations mentales chez les apprenants, il facilite la créativité et l’imagination de solutions à des problèmes peu ou pas structurés, en particulier, par le schéma, l’image et les propriétés du langage humain.
Dispositifs au rabais ?
Reste la question de l’industrialisation de l’ingénierie de formation, qui est celle de savoir si parmi l’ensemble des possibilités technologiques et instructionnelles, seul un très petit nombre d’entre elles risque d’être retenues et reproduites de manière standardisée pour en faire baisser les coûts. Dispositifs pauvres répondant aux besoins de masse.
Il a souvent été observé que les acteurs économiques, les commanditaires de dispositifs prennent des décisions basées sur les coûts et la rentabilité avant d’y intégrer des aspects immatériels et difficilement quantifiables comme la compétence. Et ce, qu’il s’agisse des environnements numériques ou pas !
Il apparait donc qu’il s’agit de questions économiques, managériales et donc de choix et d’usages des instruments didactiques à la disposition des concepteurs.Philippe Inowlocki, psychologue social
3- Réaliser une veille collaborative sur le tutorat en FOAD. Les thèmes de la veille.
J’ai souhaité faire l’expérience avec la communauté t@d d’une pratique de partage de lectures : le principe est que les lecteurs-contributeurs installent un plugin dans leur navigateur et saisissent dans une fenêtre un descriptif court et certain nombre de mots clef (les fameux tags ou libellés) dans l’objectif d’indexer et de faciliter les lecteurs à lire la ressources (publications, actualité..). Ensuite, les personnes prennent connaissance des articles sélectionnés par ce « comité de lecture » à composition flottante réuni autour de t@d , soit en se rendant sur le site de tutoratadisance.fr, soit, s’ils en possèdent une, en installant un « Widget » de veille, sur leurs pages personnelles, leur blog, leur page Netvibes, Google Reader..
Quels sont les thèmes objet de la veille ?
Les lecteurs de t@d réalisent au travers de leur activités professionnelles, d’enseignements ou de recherches personnelles une veille, c’est à dire, une lecture dirigée à partir de sources de publications papier et numériques, sources audio-visuelles ou écrites vers des thèmes institutionnels, technologiques, commerciaux et scientifiques.
Il peut d’agir de la publication d’ouvrages, d’évènements tels des salons ou des colloques, des articles de la presse généralistes aussi bien que dans les publications scientifiques concernant, et sans être exhaustif :
l’ensemble des fonctions professionnelles d’accompagnement dans les dispositifs de formation à distance quelque soit le vocable retenu (tutorat, mentorat, formateur..),
les processus interpersonnels, psychologiques et sociaux d’accompagnement et de médiation dans les dispositifs,
les technologies qui permettent de soutenir l’activité d’accompagnement et en particuliers les technologies qui favorisent l’analyse des traces.
les méthodes pédagogiques et la didactique professionnelle des savoirs impliqués dans les pratiques de formation à distance,
les politiques de formation et d’enseignement qui reconnaissent leur place aux métiers et compétences du tutorat en formation à distance.
Cette activité de veille informelle de tout à chacun peut être enrichie par le réseau et transmise facilement.
Cet article est à suivre..Philippe Inowlocki, psychologue social
2- Réaliser une veille collaborative sur le tutorat en formation à distance (FOAD).
Il existe une esthétique de la participation.
Concepteur pédagogique et producteur multimédia, je m’intéresse au Web sémantique et aux manières dont des systèmes de publication favorisent la participation et la collaboration des apprenants dans la continuité de la démarche socio-constructiviste (WIKI, forums, blogs collectifs, communautés, réseaux professionnels…).
Pour illustrer cette notion de web sématique, je citerais volontier une application artistique du concept : la construction par un grand nombre de personnes d’un nuage graphique de mots pour faire “oeuvre” commune. J’ai prêté mon concours au collectif artistique dédal(l)e avec qui j’ai créé une installation multimédia pour téléphone portable et et vidéo-projecteur : un “Tag cloud” -nuage de mots- participatif par SMS dans le cadre de la Nuit Blanche 2007 qui s’est intitulée “Heure bleue”.
Le Web sémantique modifie également radicalement la manière de rechercher des sources d’information sur le Web, Google n’est plus l’unique porte d’accès à de l’information pertinente mais des systèmes de recommandation de lectures se mettent en place grâce à la participation massive de millions d’internautes qui filtrent, archivent, annotent critiquent et bloguent les publications du Web. Ces nouveaux outils se nomment Technorati, Wikio, Swicki et Delicio.us entre autre.
Cet article est à suivre..Philippe Inowlocki, psychologue social
1- Réaliser une veille collaborative sur le tutorat en formation à distance (FOAD).
La communauté T@d
Membre de t@d la communauté de pratiques des tuteurs en formation à distance dont Jacques Rodet est le fondateur, j’ai souhaité mettre en place un “dispositif” (comme on le dit dans le champs de la formation professionnelle) de veille sur l’actualité du tutorat en formation à distance.
Voici quelques extraits de nos échanges :
“A mon sens, cette veille doit être « qualitative » les articles et les textes qui sont retenus doivent être accompagnés d’un commentaire, elle doit être « ergonomique », elle doit s’intégrer aux pratiques de lectures quotidiennes des membres auteurs de t@d et elle doit fournir un service aux auteurs qui doivent pouvoir utiliser cette veille comme bon leur semble pour leur usage personnel et professionnel”
Pourquoi réaliser une veille sur l’univers du tutorat en formation à distance ?
“t@d a pour objectifs de faciliter la mutualisation des pratiques tutorales, d’offrir un espace de débats sur les thèmes liés au tutorat à distance, de permettre aux tuteurs de solliciter de l’aide pour la réalisation de leurs interventions tutorales à distance.”
La formation à distance dans son ensemble n’accorde que trop peu d’importance à l’accompagnement dans les dispositifs, dans un contexte d’industrialisation de la formation, les organismes de formation et les professionnels expriment des difficultés à valoriser les spécificités des médiations humaines dans la formation à distance.
Pourtant de nombreuses initiatives confirment la nécessité de développer de nouvelles pratiques de soutien de l’activité d’apprentissage, celles-ci gagneraient a être transmises, pensées et critiquées. La veille est un instrument au service de la professionnalisation des acteurs de la formation à distance.
Cet article est à suivre..Philippe Inowlocki, psychologue social
Je me suis livré à l’élaboration d’un schéma -type des processus e-learning faisant appel à un outil de modélisation des connaissances que j’aime bien : le mind mapping.
Internet ouvre un nouveau paradigme pour l’apprentissage, le “Je pense, donc je suis” laisse place au “J’échange donc je suis”
Ki-learning.fr Conseil en e-formation2.0.
Ki-learning est une agence à taille humaine intervenant dans la conception, le développement et l’accompagnement de dispositifs de formation en ligne.
Ingénierie didactique / formation De l’analyse de l’activité cible de la formation à la scénarisation de la séquence pédagogique.
Assistance à maîtrise d’ouvrage Accompagnement du projet auprès des commanditaires du dispositif e-learning
Élaboration du cahiers des charges
Sélection des prestataires
Évaluation de projet
Ergonomie et développement de contenus multimédiaDéfinition de l’environnement graphique et narratif
Elaboration de story-boards fonctionnels
Elaboration de modèles d’activités réutilisables.
Participation, collaboration , communicationOutils multimédia pour des événements artistiques
Démonstrateurs multimédia grand public pour l’appropriation des nouveaux services du web communautaire
Messages interactifs dit : « marketing viral »
Conception de widgets pour les services Web 2.0
Christophe Dejours, psychiatre et titulaire de la chaire de psychanalyse santé-travail au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers)
Souffrir au travail
LE MONDE | 21.07.07 | 12h35 • Mis à jour le 21.07.07 | 17h51
Depuis quelques mois, on parle de plus en plus de cas de suicide au travail. Y a-t-il une accélération du phénomène ?
Autrefois, les suicides au travail étaient rarissimes. Le phénomène correspondait à des situations très précises, comme lors de l’exode rural, qui s’est accompagné d’une crise effroyable dans le monde agricole. Mais, depuis une dizaine d’années, les troubles musculo-squelettiques, le nombre de pathologies liées à la surcharge au travail, ce qu’on appelle aussi les karoshis (« mort par surtravail » en japonais) se multiplient à un rythme inquiétant.
Comment expliquer ce phénomène ?
Il faut en chercher l’origine dans la division du travail poussée à l’extrême. Celle-ci est avant tout au service d’une méthode de gouvernement au sein des entreprises, qui estime que plus on a de pouvoir disciplinaire, de maîtrise des gens, plus on gagne en termes d’efficacité et de réactivité. Or, la meilleure façon de dominer, c’est de diviser les gens. Mais depuis la crise du taylorisme, les salariés se sont organisés, ils ont créé de la solidarité au travers de mutuelles, de syndicats, obtenu le droit de grève, des protections, toutes sortes de choses qui enquiquinent les entreprises, d’où la volonté de casser ces protections.
C’est ce qui explique la tendance à l’individualisation des postes de travail et d’évaluation permanente des performances ?
Tout a commencé dans les activités de services à la fin des années 1980. L‘informatisation a été un moyen sans lequel on n’aurait jamais pu déployer le système d’organisation dont Taylor avait rêvé. Dès lors, le poste de travail permet d’enregistrer, voire d’espionner, tout ce qu’on fait et tout ce qu’on ne fait pas. C’est ce qui a permis de systématiser l’individualisation des performances, dont on constate aujourd’hui les effets. Les solidarités, les liens, les protections ont commencé à sauter.
A partir de là, quel mécanisme se met en place pour aboutir à la souffrance au travail, qui peut se traduire, dans sa phase ultime, en suicide ?
Le suicide est l’aboutissement d’un processus de délitement du tissu social qui structure le monde du travail. Une organisation du travail ne peut pas être réductible à une division et à une répartition des tâches, froides et rationnelles, évaluables à tout instant. Dans le réel, les choses ne fonctionnent jamais comme on l’avait prévu. Elle doit reposer également sur le « vivre ensemble ». Lorsqu’on se parle, qu’on s’écoute, qu’on se justifie autour d’un café, c’est là qu’on dit des choses qu’on n’évoque jamais dans un cadre plus institutionnel : on critique la hiérarchie, on parle de ce qui ne marche pas, de ce qui fait difficulté et de ce qui irrite, bref on fait remonter le réel, qui est souvent décalé par rapport à la façon dont le management voudrait que ça marche.
C’est dans ces lieux de convivialité, informels, que se transmettent beaucoup de ces éléments qui permettent de renouveler les accords normatifs, constitutifs des règles de travail et de la coopération dans l’entreprise. Activité obligatoire et convivialité marchent de pair. C’est très important, parce que c’est dans ces moments que se construit le plaisir de s’accomplir, de se retrouver sur des enjeux communs, bref de vivre. C’est un processus extrêmement pacificateur des relations dans l’entreprise.
Entretien avec Pierre Lévy, professeur de communication, titulaire d’une chaire de recherche en intelligence collective à l’universite d’Ottawa (Canada)
“L’intelligence collective notre plus grande richesse”
Le Monde, édition du 24.06.07 (Propos recueillis par Michel Alberganti) – Lien vers l’article :
Dès le début des années 1990, vous avez cru au potentiel d’Internet. Près de vingt ans plus tard, comment analysez-vous l’évolution du Réseau mondial ?
L’hypothèse que je faisais à l’époque, où très peu de monde utilisait Internet et où le Web venait à peine de naître, était que l’interconnexion des ordinateurs serait un vecteur de perfectionnement et d’augmentation de l’intelligence collective. Je dis augmentation plutôt que création parce que l’intelligence collective est pratiquée par les êtres humains depuis qu’ils disposent du langage et de la culture. Nous ne sommes intelligents que collectivement grâce aux différents savoirs transmis de génération en génération. Simplement, Internet est plus puissant que l’imprimerie, la radio ou la télévision, parce qu’il permet une communication transversale et une meilleure exploitation de la mémoire collective.
Cela explique-t-il la vogue actuelle de l’expression “intelligence collective” ?
En effet, cette notion est en train de faire son chemin. Nous en prenons conscience parce qu’elle se transforme à un rythme observable à l’intérieur d’une même génération. C’est pour cela que l’on en parle. Auparavant, les techniques d’intelligence collective restaient stables d’une génération à l’autre. Là, il y a un saut, une accélération. C’est comme un fond qui restait immobile et qui devient aujourd’hui une forme qui bouge.